Communiqué commun concernant le programme de SES au lycée de l’AFS, l’ASES, l’AFEP, et l’AFSP

 Le jeudi 19 septembre dernier, soit plus de quinze jours après la rentrée scolaire, le ministère de l’Éducation nationale a unilatéralement acté la suppression de trois chapitres en sciences économiques et sociales parmi ceux pouvant être évalués par écrit au baccalauréat pour les élèves de Terminale suivant cette spécialité. Ces trois chapitres portent respectivement sur les crises financières (économie), l’action de l’école sur les trajectoires individuelles (sociologie) et les inégalités et la justice sociale (regards croisés).

L’Association française de sociologie (AFS), l’Association des sociologues enseignants du supérieur (ASES), l’Association française d’économie politique (AFEP), l’Association française de science politique (AFSP) souhaitent réagir face à cette décision prise de façon précipitée, et sans consultation des enseignant·es et des associations professionnelles.

Qu’on ne s’y trompe pas : l’allègement des programmes de SES est une demande ancienne et forte des enseignant·es de cette discipline, mais la réponse proposée – sans concertation, et faite dans la précipitation – n’est qu’une illustration supplémentaire du mépris du ministère vis-à-vis de ses agent·es. Le choix des thèmes supprimés témoigne d’une vision idéologique du pouvoir politique en place.

En effet, les trois chapitres exclus du programme de révision pour le baccalauréat portent sur des enjeux économiques et sociaux fondamentaux, à la fois pour la compréhension du monde actuel, mais aussi pour se préparer à des études supérieures en lien avec les sciences sociales (sociologie, sciences économiques, science politique, histoire, etc.). Plus spécifiquement, ce sont des chapitres qui abordent tous le rôle des pouvoirs publics, et, pour deux d’entre eux, la question centrale des inégalités sociales.

Dans un contexte de financiarisation accrue de notre système économique, le chapitre “Comment expliquer les crises financières et réguler le système financier ?” apporte des connaissances indispensables sur les crises passées (1929, 2008), les mécanismes de transmission d’une crise financière à l’économie réelle, mais aussi sur la nécessité des outils de régulation du système bancaire et financier.

En sociologie, c’est le chapitre “comprendre l’action de l’École sur les destins individuels et sur l’évolution de la société” qui disparaît, alors qu’il abordait la multiplicité des facteurs conduisant aux inégalités de réussite et de trajectoire scolaire, et invitait à questionner le principe d’égalité des chances. Les élèves pouvaient ainsi analyser pourquoi l’origine sociale détermine les trajectoires scolaires en France, davantage que dans d’autres pays.

Enfin, le chapitre “Quelles inégalités sont compatibles avec les différentes conceptions de la justice sociale ?” ne fait plus lui non plus partie du programme évaluable lors de l’épreuve finale de l’enseignement de spécialité en SES. Ce chapitre permettait d’aborder l’évolution des inégalités économiques depuis le début du XXe siècle, et donc de mettre en évidence des phénomènes comme la hausse des inégalités de patrimoine, ou celle de la pauvreté en France. Il traitait aussi de la variété des inégalités et de leur caractère systémique. Il abordait enfin les débats autour du rôle de l’État dans la lutte contre les inégalités, qu’il s’agisse des conditions de son efficacité ou de sa légitimité.

Avec ces « allègements », le ministère de l’Éducation nationale ne semble pas considérer comme important que les acteurs et actrices de demain soient en mesure de comprendre les mécanismes structurels des sociétés contemporaines. Or, dans le contexte politique et social actuel, nous, sociologues, économistes, politistes estimons qu’il est plus que jamais nécessaire de former les élèves aux enjeux de justice sociale, aux causes des crises économiques, à la production des inégalités, ainsi que de les sensibiliser aux débats sur le rôle des pouvoirs publics dans la régulation économique et sociale.

L’AFS, l’AFEP, l’AFSP et l’ASES exigent qu’une véritable concertation soit mise en oeuvre sur les programmes de SES. Répondre aux demandes légitimes d’allègement exprimées par les enseignant·es ne peut se faire en “allégeant à la hache” et de manière unilatérale une partie fondamentale des enseignements de Terminale. La réflexion sur les programmes doit associer l’ensemble de la communauté éducative, porter sur l’intégralité des programmes du lycée, et pas seulement ceux de terminale, et autoriser des allègements au sein même de certains chapitres plutôt que la suppression de certains d’entre eux. Il est donc urgent de nommer un groupe de travail équilibré et pluraliste à cet effet.

L’AFS, l’ASES, l’AFSP et l’AFEP

Contact : marianne.blanchard@univ-tlse2.fr

La version pdf du communiqué est disponible en pièce jointe.

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