Charte écologique

Approuvée à l’unanimité lors de l’Assemblée Générale du 6 juillet 2023.

Préambule

Parce que les bouleversements écologiques en cours produisent des effets sur la façon de concevoir et d’organiser l’enseignement supérieur et la recherche (ESR), d’importantes transformations doivent être initiées pour réduire rapidement l’impact écologique de nos activités, pour produire de nouvelles connaissances et enseigner largement ces thématiques cruciales. L’AFEP entend prendre sa part dans ces transformations et être exemplaire. Penser le monde de demain et la préservation du vivant suppose de mettre à contribution toutes les manières de faire de l’économie et de mieux comprendre et expliquer les interrelations entre économie et biosphère.

Cette charte présente la politique écologique de l’association. Elle encadre les activités de l’AFEP en vue de réduire autant que possible les nuisances environnementales dans la pluralité de leurs dimensions. Elle promeut également des activités savantes contribuant à penser l‘économie à l’intérieur des limites planétaires, au sein d’une planète sûre, juste et habitable. 

Cette charte s’appuie notamment sur : 

  • L’article 9 de la Charte de l’environnement ayant valeur constitutionnelle : « La recherche et l’innovation doivent apporter leur concours à la préservation et à la mise en valeur de l’environnement. »
  • La définition d’une nouvelle mission du service public de l’Enseignement supérieur, à savoir « la sensibilisation et la formation aux enjeux de la transition écologique et du développement durable », inspirée des recommandations de la Convention citoyenne sur le climat (recommandations C5.2 et C5.3) et reprise dans le préambule du rapport Jouzel Abbadi remis à la Ministre de l’ESR en février 2022.
  • L’article 9 de la Charte du Collège des sociétés savantes académiques de France, dont L’AFEP est membre actif : « Une société savante se doit de promouvoir une démarche socialement et environnementalement responsable dans ses activités et au sein de la communauté qu’elle représente ».

1. Repenser la profession d’économiste face à l’urgence écologique : recherche,
enseignement et évaluation

Défendant depuis son origine une approche pluraliste de l’économie, l’AFEP promeut et encourage les recherches rigoureuses et pluralistes en économie et les enseignements traitant systématiquement des enjeux socioécologiques. Elle soutient une démarche transparente, délibérative et collective favorisant des pratiques précautionneuses, plus sobres et équitables au sein de la profession.

Contribuer aux travaux scientifiques. Il s’agit en premier lieu de développer une compréhension systémique liant les dynamiques de la biosphère faites d’effets de rétroaction et de seuils, d’interdépendances et d’irréversibilités aux dynamiques socioéconomiques. Il s’agit aussi d’étudier de façon réflexive comment les sciences économiques se saisissent de ces questions, développent des techniques d’évaluation (valorisation monétaire, évaluations multicritères etc.) et font évoluer leur épistémologie et leurs outils en réponse à un contexte historique de crises écologiques profondes et multiformes. Ces travaux doivent être réalisés indépendamment des entreprises et groupes d’intérêts qui participent à des activités nocives pour l’environnement en matière de production de biens et services comme de construction de l’ignorance. Les enseignant.eschercheur.es ont le droit d’exprimer sans crainte leur désaccord visàvis des financements et partenariats liés à des activités qu’ils et elles jugent nocives pour l’environnement.

Lors de ses congrès, l’AFEP entend promouvoir un traitement transparent, systématique, réflexif et pluraliste des questions écologiques, non seulement lors de séances plénières et d’ateliers dédiés, mais aussi en envisageant les perspectives écologiques comme une dimension structurante de toute recherche et donc comme irriguant à terme la majorité des sessions. Par exemple, l’AFEP suggèrera aux intervenant.es pressenti.es pour intervenir aux tables rondes ou
aux plénières ne portant pas directement sur les enjeux écologiques d’intégrer une dimension écologique à leurs réflexions et/ ou invitera un ou une spécialiste à proposer un éclairage écologique sur la thématique choisie.

En matière de (co)financement par l’AFEP d’activités scientifiques, inclure une perspective socio– écologique dans la manifestation scientifique candidate au (co)financement sera particulièrement apprécié.

Enseigner. Fidèle à ses valeurs fondatrices de pluralisme, l’AFEP promeut l’interdisciplinarité non seulement en sciences humaines et sociales mais aussi avec les sciences de la vie et de la terre elle encourage la réflexivité, le pluralisme des théories et des méthodes dès lors qu’elles obéissent à des standards exigeants de rigueur scientifique. Elle lie étroitement les dimensions sociales et écologiques.

A cet égard, l’AFEP promeut l’inclusion de perspectives, de concepts et d’outils pluralistes pour aborder les approches économiques des enjeux écologiques et préparer ainsi en particulier les nouvelles générations au monde qui vient. Cela passe notamment par l’enseignement d’instruments et de politiques économiques relevant d’une large diversité d’approches et, in finede valeurs. On notera que les inspirations théoriques des institutions internationales participant de l’alerte écologique restent, dans le volet économique de leur démarche, encore trop souvent restreintes aux concepts, modèles et instruments issus de l’économie mainstream. Or ceuxci ont montré leurs limites pour répondre aux enjeux socioécologiques et il existe de nombreusealternatives pertinentes et rigoureuses qui méritent d’être intégrées à l’analyse. Cela vaut également pour l’enseignement secondaire : l’AFEP, en particulier en lien avec l’Association des Professeurs de Sciences Économiques et Sociales (APSES), aura la volonté de promouvoir cette diversité des outils, des méthodes et des approches, notamment par une formation accrue sur ces sujets dans les masters Métiers de l’Enseignement, de l’Éducation et de la Formation (MEEF).

Évaluer. Les unités de recherche comme les enseignant.eschercheur.es sont régulièrement évalué.es. L’AFEP encourage les évaluations pluralistes et multicritères et s’engage à œuvrer à la promotion, la défense et la valorisation des comportements écoresponsables dans l’évaluation, compris quand cela conduit les évaluateurs et évaluatrices à se départir des critères d’excellence traditionnels. Elle rappelle que l’évaluation est un exercice complexe qui doit analyser l’originalité et la spécificité d’une trajectoire dans sa globalité et sa dynamique. En particulier, l’AFEP combat toute forme d’évaluation qui se base sur des indicateurs purement quantitatifs et automatiques comme la mobilisation de rankings de revues ou d’outils bibliométriques. L’AFEP défend une approche véritablement qualitative de l’évaluation, valorisant toutes les facettes du métier, basée sur une large palette de « produits de la recherche » (ouvrages comme articles dans des revues scientifiques notamment) tenant compte du pluralisme des approches et des objets de recherche. L’urgence écologique amène à remettre plus que jamais en question un productivisme scientifique aveugle qui confond quantité et qualité des productions savantes, qui favorise de fait une utilisation des ressources contraire à la sobriété et participe de la grande accélération de l’anthropocène. Elle souligne les effets délétères en matière d’intégrité, de pertinence et d’originalité scientifiques de la mise en compétition des individus comme des équipes. La recherche nécessite de s’inscrire dans la durée et le collectif et doit donc aller de pair avec une évaluation d’accompagnement qualitative et moins frénétique. Aussi l’AFEP souligne l’importance de libérer du temps et de donner les moyens aux enseignant.eschercheur.es en vue de leur permettre de se former et d’intégrer les questions écologiques à leur métier et d’en tenir compte dans les critères d’évaluation.

L’AFEP soutient ainsi des modalités d’évaluations articulées à des narratifs qui permettent la mise en perspective réflexive d’une activité scientifique sur la durée et en relation avec de grands enjeux contemporains. A ce titre, l’AFEP encourage les enseignant.eschercheur.es comme les unités de recherche à clairement expliciter comment leurs pratiques quotidiennes évoluent en lien avec l’urgence écologique, ou comment les problématiques écologiques influencent les programmes de recherche ou le contenu des enseignements offerts.

Pour l’écrire autrement, l’AFEP encourage les instances d’évaluation ainsi que les membres et collectifs de recherche à indiquer comment leurs agendas de recherche peuvent intégrer les questionnements écologiques mais aussi à mettre en avant lors des processus d’évaluation les pratiques vertueuses (ou limitant les impacts) mises en œuvre dans l’activité scientifique ellemême. Aussi, la participation récurrente à des conférences sur des lieux éloignés nécessitant des vols long courrier (cf. infra) ne doit plus être un critère d’évaluation positif dans la profession età l’inverse, les déplacements écoresponsables doivent être valorisés.

Elle appelle les autorités de tutelle de l’enseignement supérieur et de la recherche à fournir des moyens financiers et humains dédiés pour permettre aux personnels comme aux laboratoires d’intégrer pleinement les enjeux socioécologiques à leurs activités. Elle met en garde les acteurs et actrices de l’évaluation contre une approche purement bureaucratique et à moyens constants de ces enjeux évaluatifs qui risquerait de reporter sur les individus et les laboratoires les contraintes écologiques et de favoriser un affichage écologique à des visées de communication plutôt que de réelle transformation des pratiques.

2. Réduire l’impact environnemental des activités de l’AFEP

L’AFEP entend éviter et réduire les impacts de ses activités, en privilégiant les stratégies de sobriété collective reposant sur un partage équitable des efforts. Elle s’interdit le recours à des « crédits de compensation carbone » dont elle déconseille l’achat à ses membres et à leur(slaboratoire(s) : trop souvent utilisés comme alternative commode à la réduction d’émissions, ils contribuent à un verrouillage sur des trajectoires insoutenables et inégalitaires ; l’efficacité réelle des projets de compensation carbone réalisés s’avère le plus souvent minime (double comptage des émissions réduites, stockage de carbone limité dans le temps et plus court qu’annoncéadditionnalité incertaine, etc.) et est associée à des impacts négatifs sur d’autres dimensions socioécologiques fondamentales (effets néfastes sur la biodiversité, les écosystèmes et les droits des populations locales notamment autochtones, etc.).

Mobilité. Les études existantes montrent que le métier d’enseignant.echercheur.e est
particulièrement impactant pour l’environnement et que le premier poste d’émissions de gaz à
effet de serre en sciences humaines et sociales est souvent lié aux mobilités, tout particulièrement
en avion, par ailleurs très inégalement réparties. C’est pourquoi, il est fondamental d’engager une
réflexion collective et de mettre en place des mesures équitables en vue d’éviter les vols non
nécessaires et de privilégier le train et les transports en commun pour enseigner, se rendre à des
manifestations scientifiques ou sur le terrain.

Pour ce faire, l’AFEP encourage ses membres et leur(s) laboratoire(s) de recherche à réserver les vols longs courriers à des séjours de recherche et d’enseignement de longue durée et à les limiter au plus strict nécessaire, à savoir quand le déplacement apporte une forte valeur ajoutée l’usage de l’avion devant être l’exception et non la règle. L’avion ne devrait en effet être utilisé que quand des alternatives ne sont pas disponibles. L’AFEP propose aux directions de laboratoire de ne pas autoriser les vols moyencourrier quand la destination est accessible en train en moins de 8h (ceci devrait faire l’objet de discussions collectives au sein de chaque laboratoire, mais l’AFEP propose que cette durée maximale soit supérieure aux 4 h prévues pour la fonction publique) sauf cas de force majeure ou situation particulière.

L’AFEP privilégie les lieux de conférences accessibles en transport en commun et en train. Pour favoriser les déplacements en train liés à son congrès annuel, comme de fait le train peut être plus onéreux que l’avion pour les organismes payants, l’AFEP majorera le tarif d’inscription des participant.es prenant l’avion (avec les réserves précédentes trajet de moins 8h en train, hors situation particulière) et réduira le tarif d’inscription pour des déplacements en train de plus de 5h selon des modalités qui seront précisées et actualisées dans un guide. L’AFEP propose aux organisateurs et organisatrices de manifestations scientifiques d’encourager l’usage du train par des frais réduits.

Comme la question des mobilités des enseignant.eschercheur.es ne saurait se limiter à une responsabilisation individuelle, ajoutant une charge supplémentaire à celles et ceux qui sont déjà très sollicités (femmes avec enfants à charge, personnes en situation de handicap etc.), l‘AFEP promeut auprès des instances de l’enseignement supérieur et de la recherche des réformes institutionnelles mettant les unes et les autres en capacité d’agir de manière responsable et soutenable. Aussi, l’AFEP défend des règles d’attribution des marchés publics (réservation des billets, hôtels etc.) qui incluent des critères écologiques. Elle propose à ces instances de négocier avec la SNCF et les autres compagnies européennes de train l’obtention de tarifs préférentiels pour les déplacements des chercheur.es et enseignant.es chercheur.es, plutôt qu’un système favorisant souvent de fait l’usage de l’avion ou les déplacements individuels en voiture. Elle attire l’attention des autorités françaises et européennes sur la nécessité de mettre en place des politiques ambitieuses de transport et une fiscalité favorisant le train et décourageant les transports fossiles.

Nourriture. Lors des activités qu’elle (co)organise ou (co)finance, l’AFEP propose des repas végétariens par défaut le midi, si une telle offre est disponible localement. Elle veillera, dans la mesure du possible, à accorder la plus grande part possible à une alimentation biologique et en circuit court.

Déchets et goodies. Lors des activités qu’elle (co)organise ou (co)finance, l’AFEP évitera l’usage et la distribution de produits à usage unique (en plastique notamment) ou de produits plus durables mais ne répondant pas à des besoins fondamentaux et dont la production et l’acheminement ont un impact environnemental (par exemple, la distribution systématique de tote bags ou de tasses doit être évitée et les participant.es apporteront leur propre contenant).

3. Responsabilité sociale et inclusion.

Les questions sociales et environnementales étant étroitement liées, la présente charte environnementale est indissociable de la charte « Inclusion et diversité ».

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