Appel à communication – Histoire de la TR – 2022

Appel à contributions conférence internationale – Théorie de la régulation

Appel à contributions :

L’histoire de la théorie de la régulation et ses contributions à l’analyse du capitalisme mondial à la suite de la crise Covid-19

Paris, les 8 et 9 septembre 2022 (Les contributions peuvent être faites en présentiel à Paris ou en distanciel.)

La théorie de la régulation (TR) est née en grande partie de la crise du fordisme aux États-Unis dans les années 1970. S’appuyant sur Marx et Keynes, son analyse de cette crise a développé une approche socio-économique et institutionnaliste pour examiner l’évolution historique du capitalisme. Ainsi, la théorie de la régulation a montré comment le régime d’accumulation intensive du capital en Europe et aux Etats-Unis après-guerre résultait d’un mode de régulation historiquement situé, qualifié de fordisme, et comment son entrée en crise dans les années 1970 résulte largement de facteurs endogènes. Comme tout mode de régulation, le fordisme repose sur un certain nombre de compromis sociaux qui font système : modélisée au niveau des économies nationales par cinq formes institutionnelles, la TR montre pour cette époque l’importance du rapport salarial et des formes de concurrence. Les compromis fordistes ont consolidé la capacité du capital à organiser la production en échange d’une progression des salaires en rapport avec la progression de la productivité, intégrant un renforcement du salaire socialisé. La stabilisation de cette forme de capitalisme fut assurée d’une part par une production standardisée de biens de consommation de masse articulée à d’importantes économies d’échelle, et d’autre part par la progression des salaires permettant la valorisation de cette production et la poursuite de l’investissement. Sous l’effet des tensions nationales travaillant ce compromis, puis de l’internationalisation des flux financiers et des organisations productives, accompagnées voire provoquées par les doctrines libérales affaiblissant l’autorité publique à partir de la fin des années 1960, la cohérence d’ensemble des institutions sociales et économiques du fordisme s’est brisée pendant la stagflation des années 1970.

L’agenda de la recherche régulationniste a ainsi porté sur la caractérisation d’un régime post-fordiste. Au-delà du débat encore ouvert sur cette question, plusieurs composantes de la dynamique actuelle du capitalisme font consensus : l’approfondissement des politiques néolibérales malgré les crises récurrentes (finance, matières premières…), d’abord dans les anciens pays industrialisés, puis dans une grande partie du monde, au bénéfice de l’accumulation de capital privé et au détriment du compromis salarial fordiste. Cela impliquait une analyse des mécanismes de changement institutionnel, à travers les variétés du capitalisme, basée sur l’identification des régularités de changements dans cinq formes institutionnelles : le rapport salarial, la monnaie, les formes de concurrence, l’État, l’insertion internationale. L’agenda de recherche régulationniste a alors aussi développé d’autres niveaux d’analyse, initiés dès les années 1980 mais moins connus : les analyses sectorielles, les problématiques territoriales, gouvernance et régulation d’entreprises, les enjeux environnementaux…

La crise financière de 2007-2008 et la pandémie de Covid-19 représentent toutes deux des crises profondes de nature très différentes, qui ont largement mis à mal les pré-supposés des politiques néolibérales (sans toutefois les remettre en cause) : la re-réglementation de la finance au fil des crises vise à prévenir les risques systémiques mais pas la financiarisation de l’économie ; les interventions massives ont été le plus souvent ponctuelles, pour endiguer la propagation des crises. La pandémie Covid19, conjuguée à la menace d’une récurrence de ce type de crise et à celle du changement climatique, changera-t-elle la donne ? Les signaux à analyser sont parfois contradictoires, se jouent dans plusieurs champs sociaux (politique, culturel…). Certes la dépense publique a été exceptionnelle pour soutenir les revenus des entreprises privées et des salariés pendant la pandémie de Covid-19. Dans le même temps, l’environnement institutionnel international, qui a façonné la libéralisation des échanges et plus généralement la mondialisation depuis la Seconde Guerre mondiale, est considérablement remis en question par le « trumpisme » aux États-Unis et la montée économique spectaculaire de la Chine. Depuis que cette dernière a rejoint l’OMC en 2001, elle a forgé son propre modèle économique qui remet profondément en question le récit historique selon lequel les marchés et le pluralisme politique vont de pair quand le capitalisme se développe. En outre, alors que l’économie mondiale semble se remettre du Covid-19 (octobre 2021), d’importants goulots d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement et des pénuries de compétences augmentent les pressions inflationnistes. Compte tenu de plus d’une décennie d’assouplissement monétaire quantitatif par les grandes banques centrales et de l’émergence des crypto-monnaies, le régime monétaire néolibéral se trouve face à de nouveaux défis.

Cette conférence a pour objectif de poursuivre la relecture de l’histoire de la théorie de la régulation et d’explorer dans quelle mesure ses apports peuvent être appliqués au(x) capitalisme(s), suite à la pandémie de Covid-19 et la crise économique qui s’ensuit. Des travaux sur ces sujets ont déjà fait l’objet de publications dans la Revue de la Régulation et ailleurs. Dans une approche pluridisciplinaire, la conférence cherche à développer ces réflexions et sera structurée en quatre sessions d’une demi-journée au cours desquelles les contributions seront présentées. Ces sessions examineront les thématiques suivantes :

1/ Les mutations historiques du capitalisme et son phasage dans le temps.

Cette première session portera sur les origines de la théorie de la régulation et la place attribuée à l’analyse des crises du capitalisme, ainsi que les évolutions à plus long terme, permettant de fournir des perspectives d’histoire économique. Les contributions peuvent également porter sur des questions plus récentes, comme l’émergence du capitalisme patrimonial (Aglietta) ou le capitalisme de plateforme (Boyer). Elles peuvent aussi examiner l’évolution du commerce international et les flux intra-entreprises, ainsi que les facteurs qui influencent la mondialisation aujourd’hui.

2/ Les zones géographiques et capitalismes comparés (ex. l’Amérique du Nord/États-Unis ; l’Europe, l’Amérique latine ; l’Asie et bien sûr la Chine).

Les contributions pourraient s’appuyer sur les typologies du capitalisme qui ont émergé de l’approche régulationniste (Amable), ou issues d’autres travaux sur les « variétés du capitalisme » (à la suite de Hall & Soskice). L’étude de la crise du fordisme aux Etats-Unis étant au cœur de la naissance de la théorie de la régulation, l’étude de l’évolution du capitalisme américain reste une question qui mérite attention.

3/ L’approfondissement de la théorie de la régulation sur de nouveaux terrains : l’écologie, le travail non rémunéré des femmes, les nouvelles formes d’entreprise, etc.

Les communications de cette session pourraient également examiner les changements infra-étatiques et extra-nationaux dans les modes de régulation, ainsi que des concepts tels que « l’imbrication institutionnelle » (Boyer et Hollingsworth).

4/ L’influence de la théorie de la régulation au-delà du domaine de l’économie et son impact sur d’autres disciplines, ainsi que sur les discours et les idéologies du capitalisme.

Les communications peuvent aborder ces questions, mais aussi la façon dont d’autres disciplines à leur tour ont impacté les développements ultérieurs de la théorie de la régulation. Il s’agit, par exemple, du rôle de l’histoire dans l’évolution des institutions, de l’influence de la philosophie et de la façon dont le structuralisme a fourni des concepts opérationnels pour mieux comprendre la transformation des régimes d’accumulation, leur diversité interne, etc.

Les communications peuvent être en français ou en anglais. Mais nous apporterons un soutien linguistique pour que les actes de la conférence soient publiées en anglais sur le site web de Recherche & Régulation afin d’assurer une diffusion rapide et large des recherches présentées (https://theorie-regulation.org/). Les articles développés à partir des communications peuvent également être soumis ultérieurement à la Revue de la Régulation, sous réserve des procédures habituelles de sélection et de relecture (https://journals.openedition.org/regulation/).

Les propositions de communication doivent être envoyées à nicholas.sowels@univ-paris1.fr avant le 15 décembre 2021, et nos réponses vous seront renvoyées mi-janvier 2022. Nous accueillons avec plaisir les contributions de doctorants et de jeunes chercheurs.

Comité scientifique : Jean-Pierre Chanteau (U. Grenoble Alpes), Patrick Dieuaide (ICEE), Ariane Dupont-Kieffer (PHARE), Pierre Gervais (CREW), Sophie Jallais (PHARE), Agnès Labrousse (Triangle), Thomas Lamarche (Ladyss), Eric Magnin (Ladyss), Goulven Rubin (PHARE), Bruno Tinel (CES), Jean-Baptiste Velut (CREW).

Comité d’organisation : Nadeera Rajapakse (PHARE), François Morvan (PHARE), Pierre Fray (doctorant ENS Paris-Saclay) et Nicholas Sowels (PHARE).

Parrainage. La conférence est parrainée par les laboratoires et départements suivants: PHARE et DDL à l’Université Paris 1 ; CREW et ICEE à la Sorbonne Nouvelle; et Ladyss (UMR 7533).

Frais de conférence et de déplacements : Il n’y a pas de frais d’inscription.

Les doctorants et les jeunes chercheurs peuvent demander un financement (transport et hébergement).


 

The History of Regulation Theory and its Contributions to the Analysis of Global Capitalism Following the Covid-19 Crisis

Paris, 8-9 September, 2022 (Contributions may be in-person in Paris or on-line.)

 

Regulation theory (RT) arose to large extent from the crisis of Fordism in the United States in the 1970s. Drawing on Marx and Keynes, its analysis of this crisis developed a socio-economic and institutionalist approach to examining the historical evolution of capitalism. Thus, regulation theory demonstrated how the post-war regime of intensive capital accumulation in Europe and the United States was the result of a historically-located mode of regulation called Fordism, and how its crisis in the 1970s was largely the consequence of endogenous factors. Like any mode of regulation, Fordism was based on a number of social trade-offs that, taken together, constituted a system. Modelled at the level of national economies by five institutional forms (see below), RT demonstrated the importance of the wage nexus and forms of competition. The Fordist compromises consolidated capital’s ability to organize production in exchange for wage growth, proportional to productivity growth, which also included higher socialized wages. This form of capitalism was stabilised on the one hand by the standardised production of mass consumer goods involving large economies of scale, and on the other hand by wage increases that enabled output to find markets and that encouraged continued investment. However, the overall coherence of the social and economic institutions of Fordism broke down during the stagflation of the 1970s, under pressure from national tensions eroding the compromise between labour and capital, as well as the internationalisation of financial flows and the changing organisation of production. These trends were accompanied and caused by neoliberal doctrines weakening public authority from the late 1960s onwards.

The agenda for regulationist research then focused on the characterisation of a post-Fordist regime. While the debate on this is still open, there is some consensus about several components of capitalism’s current dynamics, including: the deepening of neoliberal policies despite recurrent crises (finance, commodities, etc.), first in the old industrialised countries, then in much of the world, to the benefit of the accumulation of private capital and to the detriment of the Fordist wage compromise. This has involved an analysis of the mechanisms of institutional change, using a varieties of capitalism approach, and based on the identification of regularities of change in five institutional forms: the wage nexus, money, forms of competition, the state, and international integration. The regulationist research agenda has subsequently also developed other, less well-known, levels of analysis, initiated as early as 1980, including: sectoral analyses, territorial issues, corporate governance and regulation, environmental issues, etc.

The 2007-2008 financial crisis and the Covid-19 pandemic both represent deep, yet very different crises. They have largely impacted – though not fundamentally undermined – the presuppositions of neoliberal policies, by the re-regulation of finance to prevent systemic risks, though not the financialisation of economies; while massive state intervention has often been ad hoc, to stem the spread of crises. It may therefore be asked whether the Covid-19 pandemic, the threat of similar crises, and the dangers of climate change have really changed the global situation? There are sometimes-contradictory factors to be analysed here, which are unfolding in several social fields (political, cultural, etc.). To be sure, public spending has been exceptional in supporting the incomes of private companies and employees during the Covid-19 pandemic. At the same time, the international institutional environment that shaped trade liberalisation after World War II, and more recently globalisation, is being challenged by “Trumpism” in the US and China’s spectacular economic rise. Since joining the WTO in 2001, the latter has forged its own economic model that deeply challenges the historical narrative according to which markets and political pluralism go hand in hand as capitalism develops. Moreover, as the world economy appears to be recovering from Covid-19 (October 2021), major supply-chain bottlenecks and skills shortages are increasing inflationary pressures. With more than a decade of quantitative easing by major central banks and the emergence of cryptocurrencies, the neoliberal monetary regime is facing new challenges.

The aim of this conference is to continue to review the history of regulation theory and to explore the extent to which its contributions can be applied to capitalism(s), following the Covid-19 pandemic and the ensuing economic crisis. Work on these topics has already been published in the Revue de la Régulation and elsewhere. In a multidisciplinary approach, the conference seeks to develop these analyses and will be structured in four half-day sessions, considering the following topics:

1/ the historical mutations of capitalism and its phasing over time.

This first session will focus on the origins of regulation theory and the importance attributed to the analysis of capitalism’s crises, as well as to longer-term developments, which provide insights into economic history. Contributions may also focus on more recent issues, such as the rise of patrimonial capitalism (Aglietta) or platform capitalism (Boyer). They can also examine the evolution of international trade and intra-company flows, as well as other factors that influence globalisation today.

2/ geographical zones and comparative capitalisms (e.g., North America/United States; Europe, Latin America; Asia and of course China).

Contributions could be based on the typologies of capitalism that emerged from the regulationist approach (Amable), or from other work on “varieties of capitalism” (following Hall & Soskice). As the study of the crisis of American Fordism was essential to the emergence of regulation theory, the study of the contemporary evolution of American capitalism is also worth considering.

3/ the deepening of regulation theory in new areas. These include ecology, women’s unpaid work, new forms of companies, etc.

The papers in this session could also consider sub-state and extra-national changes in regulation modes, as well as concepts such as “institutional nestedness” (Boyer and Hollingsworth).

4/ the influence of regulation theory beyond economics and its impact on other disciplines, as well as on the discourse and ideologies of capitalism.

Communications can address these issues, but also how other disciplines in turn have impacted further developments in regulation theory. These include, for example, the role of history in the evolution of institutions, the influence of philosophy, and how structuralism has provided operational concepts to better understand the transformation of accumulation regimes, their internal diversity, etc.

* * *

Communications may be in English or French. But we aim to provide language support for the conference proceedings to be published in English on the Recherche & Régulation website to ensure a rapid and broad dissemination of the research presented (https://theorie-regulation.org/). Articles based on communications may also be submitted later to the Revue de la Régulation, subject to the usual selection and review procedures (https://journals.openedition.org/regulation/).

Proposals for communication must be sent to nicholas.sowels@univ-paris1.fr by 20 December 2021, and we will reply to you by mid-January 2022. Contributions by PhD students and young researchers are especially welcome.

Scientific Committee: Jean-Pierre Chanteau (U. Grenoble Alpes), Patrick Dieuaide (ICEE), Ariane Dupont-Kieffer (PHARE), Pierre Gervais (CREW), Sophie Jallais (PHARE), Agnès Labrousse (Triangle), Thomas Lamarche (Ladyss), Eric Magnin (Ladyss), Goulven Rubin (PHARE), Bruno Tinel (CES), and Jean-Baptiste Velut (CREW).

Organising Committee: Nadeera Rajapakse (PHARE), François Morvan (PHARE), Pierre Fray (PhD student Sciences Po) and Nicholas Sowels (PHARE).

Sponsorship. The conference is sponsored by the following research centres and departments: PHARE and the DDL at the Université Paris 1; CREW and ICEE at the Sorbonne Nouvelle; and Ladyss (UMR 7533).

Conference fees and travel expenses: There is no registration fee.

PhD students and young researchers may apply for funding (transport and accommodation).

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