Un hommage à Bruno Lautier

Bruno Lautier vient de nous quitter. Il était un intellectuel brillant qui a beaucoup contribué au débat économique, tout particulièrement à celui concernant le lien entre questions sociales et développement.

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Bruno Lautier vient de nous quitter. Il était un intellectuel brillant qui a beaucoup contribué au débat économique, tout particulièrement à celui concernant le lien entre questions sociales et développement.

Ses travaux sur l’économie informelle en Amérique latine ont remis en cause de façon décisive l’analyse économique dominante qui rapporte le sous-développement au dualisme entre secteurs formel et informel. En croisant l’analyse sociologique des trajectoires d’emploi, les données macroéconomiques et démographiques, Bruno Lautier a mis en évidence une construction sociale et économique des freins à la généralisation d’un salariat à l’ensemble de la population active. Loin d’être une alternative porteuse d’avenir, la montée de l’informel témoigne d’une régression des relations sociales dans le secteur formel. Il a en outre montré que cet héritage historique est alourdi depuis le tournant néolibéral par la vogue des politiques de lutte contre la pauvreté centrées sur les {capabilités } individuelles. Sa critique implique une thèse forte qui interpellera encore à l’avenir le débat économique : le manque d’effectivité de la législation sociale (et sa remise en cause) révèle une régulation de la pauvreté visant sa reproduction, au fondement du pouvoir des élites. Le ciblage des dépenses sociales sur les populations les plus pauvres délégitime le développement de l’Etat social. L’Amérique latine a donc été un laboratoire majeur d’expérimentation.

La portée de l’œuvre de Bruno Lautier va bien au-delà de cette thèse. Il renouvelle, avec une grande rigueur empirique et théorique, la compréhension des formes de domination à l’œuvre dans l’accès aux revenus par le marché et par la redistribution. Ce fut là un fil directeur d’une approche féconde de la reproduction sociale des inégalités qu’inaugurent ses premiers travaux sur l’exploitation liée au travail domestique, dont il faut rappeler le caractère pionnier en économie du genre.

Les choix méthodologiques qui ont guidé la carrière Bruno Lautier constituent une preuve incontestable de la richesse d’une démarche pluridisciplinaire alliant la rigueur scientifique et l’esprit critique qui doivent fonder le débat économique. Il n’est sans doute pas anecdotique que Bruno Lautier, auparavant maître de conférences en économie à l’Université de Picardie Jules Verne, ait obtenu un poste de professeur en sociologie à Paris 1. Certes, on saura gré aux sociologues d’encourager ainsi une approche pluridisciplinaire des questions économiques et d’avoir ainsi favorisé la contribution majeure de Bruno Lautier en la matière. Rappelons qu’elle s’est notamment traduite par une large audience de ses travaux et par l’encadrement de très nombreuses thèses. Mais c’est là également le signe, qu’il faut souligner, des difficultés à développer de telles contributions au sein de la corporation des économistes sans dommage pour leur carrière. En ce sens, le parcours remarquable de Bruno Lautier est révélateur des entraves qui pèsent sur le pluralisme des approches en économie.

Jaime Marques Pereira,
Professeur d’économie,
Université de Picardie Jules Verne

Un hommage à Bruno Lautier est organisé par ses collègues de l’Institut du développement économique et social (IEDES – Paris 1) et la Revue Tiers Monde dont il fut un des principaux animateurs au long des deux dernières décennies.
La Revue Tiers monde publiera prochainement un numéro réunissant quelques articles majeurs de Bruno Lautier.


Chers collègues,
Chers amis,

Nous tenons à vous faire part de notre tristesse à la suite de la nouvelle du décès de Bruno Lautier, membre de l’IEDES et du Comité de rédaction de la Revue Tiers Monde .
La direction de l’IEDES souhaite lui rendre un hommage digne et chaleureux, autour de ses proches, le mercredi 13 février à partir de 9h30.
Nous vous invitons à ce moment de recueillement et de mémoire dans l’enceinte du Pavillon Indochine, Campus du Jardin tropical, 45bis avenue de la Belle Gabrielle, à Nogent sur Marne (plan d’accès [http://www.univ-paris1.fr/ufr/iedes/acces-au-site/->http://www.univ-paris1.fr/ufr/iedes/acces-au-site/]
).

A l’issue de cette matinée, nous vous proposerons de partager une collation et vous remercions de bien vouloir nous faire part de votre présence à cette adresse (diriedes@univ-paris1.fr ). Si vous le souhaitez, vos pensées pourront être regroupées dans un livre qui sera remis à la famille.

Une enveloppe est d’ores et déjà à votre disposition auprès de Nathalie Etienne, IEDES, Bureau 27 – Bâtiment 1, 45bis av de la Belle Gabrielle.

Bien sincèrement,

La Direction,
André Guichaoua,
Anne Le Naëlou

et

la Rédaction de la Revue Tiers Monde

PS : Pour les personnes extérieures qui viendront en voiture, il leur sera demandé de ne pas stationner dans l’enceinte du campus.


Direction de l’IEDES – 49bis av de la Belle Gabrielle – 94736 Nogent sur Marne cedex – Tél. 01.84.79.01.66 – – http://www.univ-paris1.fr/ufr/iedes




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