Hausse des droits d’inscription à l’université pour les étudiants étrangers – Les sociétés savantes réagissent!

L’Association Française d’Économie Politique, en coordination avec de nombreuses sociétés savantes, réagit à la hausse des frais d’inscription à l’Université pour les étudiantes et étudiants étrangers hors-UE.

Nous, sociétés savantes, au nom de toutes les disciplines scientifiques et des mondes académiques que nous représentons, manifestons notre opposition à la mesure de hausse des droits d’inscription à l’Université pour les étudiants étrangers « non communautaires », annoncée par le premier ministre Édouard Philippe le 19 novembre dernier, sans concertation préalable avec la communauté académique.

Pour ces étudiants et étudiantes extra-communautaires, les droits d’inscription vont passer de 170 euros à 2770 euros par an en Licence et de 243 et 380 euros à 3770 euros par an en Master et Doctorat. La réforme est loin d’être anecdotique : 260 000 étudiants et étudiantes hors Union Européenne viennent chaque année rejoindre les bancs des amphithéâtres français. Avec cette annonce, c’est ainsi une nouvelle page de l’histoire de l’enseignement supérieur qui est en train de s’écrire, dans laquelle les principes fondamentaux d’égalité d’accès au savoir sont remis en question. Des effets sur la venue pour études en France de ces étudiants et étudiantes sont à prévoir, qui toucheront d’abord les plus démunis, issus de pays en développement qui ne peuvent pas les soutenir suffisamment. L’accès au savoir doit être libre et sans frontières, et ne doit pas être réservé à celles et ceux qui peuvent payer plusieurs milliers d’euros de frais annuels pour apprendre et faire de la recherche.

Cette mesure, discriminatoire et injuste, répondra-t-elle à l’ambition affichée par le gouvernement d’accroître l’attractivité de l’enseignement supérieur français ? La Cour des comptes a fait état de résultats contrastés lors de l’instauration de droits d’inscription différenciés pour les étudiants et étudiantes étrangers extra-communautaires dans d’autres pays et souligne la possibilité d’un effet d’éviction. Comme elle le fait remarquer, la réforme pourrait finalement avoir un effet mineur sur les recettes, mais risque de réduire de manière significative la diversité des profils dans le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche français, nous privant ainsi d’une richesse d’échanges et de liens nécessaires à la constitution de nos savoirs. L’ironie de ce projet est qu’il touchera particulièrement les étudiants et étudiantes de la francophonie, en premier lieu ceux qui sont originaires du continent africain dans son ensemble (ils sont 150 000 actuellement en France), mettant ainsi en danger notre politique de coopération universitaire qui a fait de cet espace l’un des piliers de l’internationalisation de l’enseignement supérieur et de la recherche français au cours de ces dernières années. Adopter ce décret, c’est donc aussi compromettre l’avenir de nos relations scientifiques avec cette région en plein essor, puisque les étudiants et étudiantes d’aujourd’hui seront les scientifiques de demain, dans et hors le monde académique. C’est enfin menacer très gravement le développement de la francophonie comme espace de communication et de savoir partagés.

Depuis le Moyen Âge, la France a accueilli dans ses universités celles et ceux qui venaient y chercher le savoir et la culture. Les défis du monde contemporain et de la planète exigent encore plus qu’autrefois l’échange international des connaissances scientifiques. Ils nous enjoignent aussi de ne pas soumettre davantage la recherche à la logique de la concurrence, et à celle des frontières et des « défense d’entrée » de tous ordres.

Nous considérons ainsi que l’instauration de droits d’inscription différenciés aura un effet globalement négatif pour la France et la francophonie, et demandons solennellement son retrait. Nous appelons à une réflexion incluant les acteurs du monde académique sur la stratégie générale de l’Etat en ce qui concerne l’avenir et le financement du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche qui, selon le code de l’éducation, “doit assurer à toutes celles et à tous ceux qui en ont la volonté et la capacité l’accès aux formes les plus élevées de la culture et de la recherche, sans distinction d’origine et de milieu social”.

Liste des signataires :

• Sébastien Barot au nom de la Société Française d’Ecologie et d’Evolution
• Olivier Berné, au nom de la Société Française d’Astronomie et d’Astrophysique
• Muriel Darmon, au nom de l’Association Française de Sociologie
• Antoine le Blanc, au nom du Comité National Français de Géographie
• Matthieu Hély au nom de l’Association des sociologues enseignant-e-s du supérieur
• Société Française de Psychologie
• Laure Carbonnel au nom de l’Association Française d’ethnologie et d’anthropologie
• Société Française de Neurologie
• Patrick Lemaire, au nom de la Société Française de Biologie du Développement
• Dominique Valérian, au nom de la Société des Historiens Médiévistes de l’Enseignement Supérieur Public
• Lydia Kerkerian-Le Goff, au nom de la Société des Neurosciences
• Emmanuel Fureix, au nom de la Société d’histoire de la Révolution de 1848 et des révolutions du XIXe siècle
• Andy Smith, au nom de l’Association Française de Science Politique
• Clément Thibaud, au nom de l’Association des Historiens Contemporanéistes de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche
• Corine Maitte, au nom de l’Association Française d’Histoire des Mondes du Travail
• Stéphane Seuret, au nom de la Société Mathématique de France
• Thierry Horsin, au nom de la Société de Mathématiques appliquées et industrielles.
• Florence Jany-Catrice, au nom de l’Association Française d’Economie Politique
• Anne Boyé, au nom de l’association femmes et mathématiques

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