Nos engagements pour 2011

Une série de mesures semblent essentielles afin de faire évoluer l’enseignement et la recherche de l’économie en France dans un sens favorisant le pluralisme. Nous proposons de les regrouper selon trois axes programmatiques.

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Une série de mesures semblent essentielles si l’on souhaite faire évoluer
l’enseignement et la recherche de l’économie en France dans un sens
favorisant le pluralisme.
Nous proposons de les regrouper selon trois axes programmatiques.

Premier Axe : l’évaluation de l’enseignement et de la recherche

L’évaluation du métier d’enseignant-chercheur est, par nature, un exercice complexe en ce qu’il vise à analyser l’originalité et la spécificité d’une pensée dans sa globalité. La tendance actuelle conduit à (1) n’évaluer que la recherche et à (2) l’évaluer exclusivement sous le prisme d’indicateurs quantitatifs selon la technique plus ou moins automatique du ranking.

L’AFEP se propose de lutter contre ces dérives.

D’une part, chacun sait, ou devrait savoir, que le métier d’enseignant-chercheur
ne se limite pas à de pures activités de recherche, et qu’il ne devrait jamais le faire. Les enseignants-chercheurs enseignent, développent des pédagogies spécifiques et adaptées à leurs publics, prennent des responsabilités administratives, sont engagés dans la Cité. Ce sont toutes ces facettes du métier dont il faut évidemment tenir compte, et qu’il faut valoriser.

D’autre part, pour ce qui est de l’évaluation de la recherche, le recours à des méthodes de ranking ne saurait en aucun cas se substituer à l’analyse compréhensive des dossiers. Elles ne peuvent au mieux être utilisées qu’en complément de celleci. Encore faut-il proposer des critères qui ne conduisent pas à pénaliser d’une manière excessive toute pensée critique. À l’évidence, la
classification des revues parce qu’elle constitue un puissant vecteur de formatage de la recherche, doit être rejetée.

Cette analyse nous conduit à proposer les cinq mesures suivantes :
AFEP

(1) Prendre en considération les engagements universitaires, pédagogiques et administratifs.

(2) Reconnaître le périmètre de revues le plus large possible.

(3) Traiter toutes les revues à comité de lecture sur un strict pied d’égalité.

(4) Défendre l’importance les livres qui ont de tout temps formé les moments théoriques essentiels de notre discipline.

(5) prendre en considération les participations à des ouvrages collectifs.

Deuxième axe : la suppression de l’agrégation d’économie

Le passage du grade de MCF à celui de Professeur pose un problème collectif de structuration du paysage de l’enseignement et de la recherche. La présence ou non dans une équipe de « rangs A » est déterminante à toutes les étapes importantes de construction du savoir : le recrutement, la mise sur pied d’un master, la participation à un comité scientifique, la participation à un comité
d’experts, la participation à un jury, et, bien entendu, l’encadrement d’un parcours de thèse jusqu’à la qualification.

Or, en économie, ce passage est presque entièrement bloqué par le concours d’agrégation du supérieur (2 postes à la voie longue l’an dernier en France, contre 21 à l’agrégation).

Outre que ce concours d’agrégation du supérieur n’existe dans pratiquement aucune autre discipline (à l’exception du droit, de la gestion et de sciences politiques), il illustre jusqu’à la caricature le manque de pluralisme que connaît l’économie : il est quasiment fermé depuis 20 ans, et entièrement depuis 10 ans, aux recherches qui n’appartiennent pas au cadre dominant.

En conséquence, il faut réviser radicalement les conditions d’accès au grade de professeur en commençant par supprimer l’agrégation du supérieur. Cette condition est essentielle.
Prenant acte du caractère sclérosé de ce concours, et de ses effets délétères sur tout le champ disciplinaire de l’économie, n’ayant à ce jour identifié aucun avantage à ce type de dispositif de promotion, l’AFEP rejette :

(1) le principe de ce concours qui décourage le travail collectif et valorise exagérément les trajectoires individuelles ;

(2) les modalités d’organisation dont il fait l’objet en économie, et qui en font un simulacre de concours où règnent certains réseaux et le « copinage ».

Elle déplore
(3) la quasi inexistence des autres voies d’accès (agrégation interne, voix longue) au grade de professeur ces dernières années, ce qui est une spécificité de l’économie.

L’AFEP se donne comme objectif :

(1) d’obtenir la suppression de ce concours inutile et rétrograde.

(2) d’encourager la possibilité de promotions, notamment internes, fondées sur l’expérience et la qualité du dossier pédagogique et de recherche des enseignants-chercheurs, comme dans l’immense majorité des disciplines académiques.

Troisième axe : Pour une nouvelle section au CNU et au CNRS

L’économie doit être pluraliste. Elle vit et se fortifie de la multiplicité des points de vue qui s’expriment en son sein. Aussi, par principe, l’AFEP défend-elle
une discussion scientifique aussi large et contradictoire que possible. Cependant, aujourd’hui, s’impose à nous le constat que les conditions de possibilité d’un tel débat scientifique au sein de l’actuelle section CNU ne sont plus réunies car une conception particulière de l’économie l’a emporté qui refuse toute contradiction. Seule une forme d’analyse économique, d’inspiration néoclassique, est valorisée.

Au sein de la section 5, cette vision de l’économie est devenue la référence obligée pour juger de la valeur d’une recherche. Les jeunes docteurs et les enseignants-chercheurs qui ne s’y plient pas sont freinés, voire bloqués, dans leurs perspectives de carrière, quelle que soit la valeur de leurs travaux. Cela démoralise, frustre, épuise. Cette situation dure depuis de très nombreuses années et s’est récemment aggravée. Elle doit cesser.

En conséquence, nous ne pouvons pas ne pas observer que les travaux effectués hors du cadre dominant n’ont que très peu de chances de pouvoir être reconnus dans la section 5. Ils ne peuvent espérer une juste reconnaissance que dans le cadre d’une nouvelle section qui serait à même de
valoriser ce qui ne l’est plus aujourd’hui : les recherches menées dans le cadre ancien et robuste de l’économie politique. Au-delà des écoles différentes qui peuvent composer ce paradigme, le cadre de l’économie politique permet d’envisager l’économie comme un fait social, et valorise d’emblée les travaux qui favorisent les interactions avec les autres sciences du social.

Pluraliste, cette section reconnaîtrait et valoriserait les différentes approches se réclamant de l’économie politique. Elle serait particulièrement sensible aux possibilités de dialogue avec les autres sciences sociales. Sur le plan pédagogique, elle aurait vocation à abriter l’ensemble des filières de formation mêlant les différentes sciences sociales aujourd’hui dévalorisées du point de
vue de la recherche.

L’AFEP se donne comme objectif la création d’une nouvelle section qu’elle souhaite intituler « Économie politique et sciences sociales ».

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